18 avril – Fédérés pour surmonter, tous et ensemble : la Fems agit pour ses adhérents – Céline Chanas

 

Plus que jamais dans cette situation de crise, nous avons besoin de faire vivre nos valeurs, de partage et de solidarité qui sont celles de la Fédération des écomusées et musées de société (Fems).

Le 13 mars, nous annulions nos rencontres professionnelles 2020 de la Fems, qui devaient se tenir cette année fin mars à Bordeaux. Passé la stupeur des premiers jours et surtout l’imprévisibilité de cette situation exceptionnelle qui nous amène à être modestes, nous avons imaginé ce que le réseau pouvait apporter à ses adhérents et traduire dans l’opérationnel les valeurs de solidarité qui sont les nôtres.

Parmi les premières actions, le réseau a tâché de répondre aux sollicitations de la COFAC* et du mouvement associatif pour porter à un niveau national la négociation de mesures de soutien à l’économie du secteur associatif, notamment culturel. Par ses outils de communication, newsletter, réseaux sociaux, plate-forme collaborative, la Fems a relayé les informations disponibles, au fur et à mesure de l’avancée des échanges et négociations.
Par ailleurs, nous nous sommes questionnés sur la manière la plus pertinente pour apporter notre aide au réseau. Nous disposons en effet d’un réseau national de référents régionaux, mobilisables pour être à l’écoute des remontées du terrain, des situations particulières des uns ou des autres.

Comme pour tous les musées et structures culturelles, le confinement limite les possibilités pour les musées d’atteindre leur public, mais plusieurs institutions ont rapidement fait preuve d’une grande créativité dans le déploiement de ressources digitales via notamment les médias sociaux. Pourtant, nous nous questionnions sur les avantages et inconvénients du déploiement de ce seul axe de soutien, dans la mesure où il pouvait révéler, une fois de plus, la fracture numérique entre grands et petits, entre ceux qui peuvent fournir ces ressources et les animer – parce qu’ils en disposent ou peuvent en créer de nouvelles, et surtout parce qu’ils disposent de salariés en télétravail outillés et payés pour le faire – et ceux qui ne le peuvent tout simplement pas économiquement, les équipes étant en chômage partiel. À Rennes, Lyon, Strasbourg ou Marseille, dans les grandes villes et métropoles, nos adhérents sont actifs en matière de ressources numériques, mais qu’en est-il pour des toutes petites structures, comme l’écomusée de la Sainte-Beaume ou l’écomusée de la Roudoule ?

A ce premier questionnement est venu s’ajouter celui de l’échange avec le réseau, la bonne connaissance de ses problématiques en temps de crise. Un premier retour de questionnaires nous permet d’avoir une vision partielle des sujets à traiter et des informations sur la manière dont les structures traversent, vivent la crise au quotidien. Le maître-mot est celui de l’incapacité à dire ce que sera notre futur, l’incertitude nous paralyse, même si tous autant que nous sommes, nous n’avons jamais été aussi actifs.

Au tout début, la plupart des institutions, quelle que soit leur structure juridique ont mis leurs salariés en télétravail, quelques-unes issues du secteur associatif optant pour le chômage partiel, comme au musée portuaire de Dunkerque ou l’écomusée du Montmorillonnais. Dans les messages, les échanges de mails, on lisait déjà l’inquiétude des lendemains, la peur de ne pouvoir se relever de cette grave crise, donnant possiblement le coup de semonce à des structures déjà fragiles.

Au fur et à mesure que le confinement dure, la confiance s’érode, l’incertitude s’installe, la réalité de la gestion de la trésorerie amènent à prendre des mesures plus strictes. Les musées relevant du secteur public, qui constituent les 2/3 de nos adhérents sont relativement préservés pour le moment : le statut de fonctionnaires territoriaux ou d’État garantit le maintien du traitement et les agents sont pour la plupart en position d’activité, en télétravail. Dans certaines collectivités, on assiste aussi au reploiement d’agents vers des missions relevant du plan de continuité. Pour ces musées, les principaux sujets sont ceux de gérer annulations et reports de la programmation culturelle, puis les plans de reprise. Ces musées peuvent aujourd’hui apprécier leur relative protection par rapport à d’autres ou à certains de leurs partenaires, indépendants comme les conservateurs-restaurateurs, artistes, intermittents…même si l’impact sur la situation à moyen terme n’est pas exempt d’inquiétudes.

Pour le secteur associatif, la situation est différente et beaucoup plus immédiate. Pour les musées associatifs, les pertes d’exploitation, notamment en billetterie avec la fermeture des sites sont conséquentes et obèrent l’avenir. L’absence de visibilité sur ce que seront les mois à venir, le déficit fort de trésorerie, le report des élections municipales sont autant de signes d’inquiétude.

Côté activité, nos adhérents nous font pour l’instant retour de deux types de situations : une activité dégradée et le redéploiement sur d’autres types de missions, ressources numériques ou missions de fond ; ou un arrêt total de l’activité. Dans l’ensemble, le lien avec les communautés, notamment les bénévoles, est maintenu, voire réinventé sous des formes différentes.

Ce qu’il ne faut pas négliger dans le quotidien de tous, c’est l’installation des salariés en télétravail ou la mise en place des mesures de chômage partiel : tout cela prend du temps, et la plupart n’y étaient pas prêts. Il faut rassurer ses équipes, prendre des nouvelles, bâtir pour certains de nouveaux plans de travail, organiser la logistique.

La fédération a déjà commencé à mettre en valeur les initiatives numériques de ses adhérents, à les éditorialiser et va renforcer le déploiement de sa stratégie numérique dans les prochaines semaines : notre newsletter devient hebdomadaire, nous renforçons la mutualisation de bonnes pratiques ou autre ressources.

Ce que l’on peut dire aujourd’hui, c’est que cette crise va impacter fortement notre secteur : elle est l’occasion d’encourager les solidarités, et donc de permettre les échanges entre professionnels. Il est plus que jamais temps d’inventer de nouveaux modes de partage et de travail collaboratif. Le webinaire mis en place par les bibliothèques nous inspire, pour débattre ensemble des grandes questions qui seront les nôtres après le déconfinement. Nous pressentons que deux sujets sont à poser, comme révélés par la crise – alors qu’ils couvaient depuis longtemps – et sont à mettre au cœur du débat, y compris dans notre relation aux partenaires institutionnels :
En premier lieu, la tendance forte de ces dernières années à l’hyperévènementialisation, à la « production » : la crise nous offre le temps de ralentir ; ne faut-il pas saisir cette opportunité pour questionner ce schéma productiviste du musée ? et amplifier le cœur de mission d’un vrai « musée citoyen », d’un musée, lieu de connaissances, de recherche, d’études, qui vit sur le temps long ;
En second lieu, l’engagement réel pour des données culturelles ouvertes, un patrimoine partagé : des contenus ouverts sont le gage d’une action possible du musée en dehors de son espace physique, ils permettent sa réappropriation, sa pérennité. Quand comprendrons-nous collectivement cette nécessité et quand nos institutions s’engageront-elles réellement dans cette démarche, en y mettant les moyens ?

Ce que la crise questionne, avec l’épreuve de la distanciation sociale, c’est aussi la définition même du musée, comme idée, comme lieu, comme institution, et le débat sur le rôle des collections et le rapport au public, aux communautés. D’une certaine façon, dans l’enjeu de l’ouverture numérique, entendue essentiellement comme l’ouverture des données issues des collections numérisées, n’y a-t-il pas aussi un risque de remettre excessivement l’accent sur les collections au détriment du discours, du débat, de la participation des habitants d’un territoire ?

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Céline Chanas, présidente de la Fédération des écomusées et musées de société

* La COFAC (Coordination des Fédérations et Associations de Culture et de Communication) est une coordination qui rassemble une vingtaine de fédérations (plus de 40.000 associations) culturelles les plus représentatives, œuvrant dans les différents champs de la culture tels que : le Patrimoine, le Théâtre, les Musées, la Musique (écoles et ensembles vocaux, instrumentaux et traditionnels), le Cinéma, les Ecoles de Cirque, les Foyers Ruraux, et les MJC. La COFAC est aussi un lien entre Culture et Education.